« Echoes » est un titre de musique tiré de l’album « Meddle » des Pink Floyd, mais ici, c’est l’écho d’un autre quartier de Tracy, d’une autre rue.
On pourrait croire que tous les bruits sont semblables, il n’en est rien……j’entends d’ici, dire qu’un chat est un chat, un oiseau est un oiseau, oui, certes, mais tellement différents en fonction de l’environnement où ils évoluent et comment individuellement on les perçoit. Magie des mots donc et des sens. Voilà la chronique des bruits de la rue du Huit Mai !
Le jour se lève, c’est le coq qui réveille le quartier « Cocorico, Cocorico, tout le monde au boulot », et voilà la journée est partie, bonjour la vie, bonjour Tracy.
Les hirondelles, après s’être rassasiées dans le ciel de Cosne viennent, repues se reposer dans celui d’Ollencourt. Elles se posent toujours sur le câble du téléphone et se passent un coup de fil, tout ce petit monde gazouille et gazouille encore, les entendre est un ravissement autant que les voir.
Les sansonnets, qui tournent et volent les cerises avec des sons de crécelles, persifleurs et fiers de leurs délits, viennent nous narguer jusque sous nos fenêtres.
Les mésanges qu’elles soient charbonnières, bleues ou bien huppées, se faufilent souvent par deux à l’intérieur des arbrisseaux pour ressortir au point le plus haut des branches en émettant des petits pépiements de plaisir.
Les pics-verts enfoncent leur bec tout pointu, « pic, pic » dans l’herbe grasse à la recherche de leurs vers préférés, Il faut voir le ballet incessant de leur tête surveillant le moindre prédateur. Il suffit d’ouvrir la fenêtre pour les voir s’envoler en lâchant leurs fameux, « hen-hen-hen », au désespoir du gros chat roux qui, sorti de nulle par, les convoite et doit se contenter de les voir décoller au ras de ses moustaches.
Ce chat roux a élu domicile à l’année dans mon jardin, il est le maître et la terreur des lieux. Alors vous autres, les petits chats noirs et blancs à colliers et grelots tout pomponnés, vous les chats blancs maigrelets aux poils miteux, vous les chat gris à rayures et tout les autres matous, évitez ce jardin, fuyez devant le chat roux !!!
La nuit, la terreur est à son comble, sous nos fenêtres, leurs miaulements ressemblent à s’y méprendre à des râles d’enfants battus. Ils vous glacent le sang et vous empêchent de vous rendormir. Allez va-t-en, chat roux, va-t-en !
Nous n’avons pas dans ce quartier de « gueulards ». Race de chiens ou de gens qui aboient ou jactent sans cesse pour un rien, tout au plus un vieux Husky aux yeux délavés, pauvres yeux qui ont perdu leur bleu à force d’hurler à la mort certains soirs, priant qu’on lui rende son grand blanc….quant à l’autre gueulard, il lui a pris un jour l’envie de déménager, depuis le quartier est redevenu calme.
Sauf, le jour de « tonte », et là encore, ce n’est que passager .Il y a les tondeuses un peu essoufflées qui crachotent leur teuf, teuf habituel, après quelques coups ratés de tirage sur la ficelle du démarreur et quelques jurons. Plus loin, le ronronnement des tondeuses électriques est plus discret. Tout ceci en harmonie, embaumant l’après-midi de l’odeur fraîche de l’herbe coupée et sublimant la soirée du parfum et du silence des roses.
Le quartier que j’habite depuis presque trois dizaines d’années, est agréable, sans souci, vieillissant ou rajeunissant tour à tour, au gré des départs et des arrivées. Les gens d’ici sont gentils, courtois. Il y a libre échange dans les ‘’bonjours, comment çà va’’, comme dans les services rendus ou les épreuves à traverser. Qualité de vie, bon voisinage.
La rue est animée de cris d’enfants, les rollers sont sortis, les voitures téléguidées aussi. Les véhicules circulent précautionneusement, habitués à ces jeux, à l’emprunt du bitume, à l’empreinte de leurs passages sur le goudron du trottoir, aux patinettes mal rangées et aux callots oubliés.
Le soir tombe, d’autres bruits arrivent avec la sortie des poubelles……il y a les poubelles que l’on porte avec des ‘’han, han’’ de bûcheron, bien content que le trajet se finisse, en la déposant sans ménagement sur le trottoir avec un grand ’ouf ‘, et puis il y a celles qui roulent, légères, tirées d’une main. Elles résonnent sur la terre, les pavés autobloquants, n’émettant pas le même « cling-cling » en fonction de leur niveau de remplissage. Elles sont bien alignées devant les portes, prêtes à être débarrassées de leurs détritus. Ah ! heureux propriétaires des poubelles possédant un couvercle, ils peuvent dormir tranquilles, demain ils n’auront pas a commencer leur journée en ramassant devant la porte de leur maison, ce que ce satané chat roux aura étalé lors de ses virées nocturnes.
A ces bruits familiers, en résonnent d’autres. Le soir, après une journée de travail, les dernières voitures rentrent au garage, bruits des gonds de portes, crissements des graviers dans les allées, puis les « clac clac » des portières fermées sans ménagement, traduisant l’envie d’un repos bien mérité.
Voilà, la noirceur est venue, l’allumeur de réverbères est passé, silencieusement…….
Les maisons baissent leurs paupières, ferment les yeux dans les clic clic des volets que l’on roule et les « clac clac » des volets que l’on ferme. Bonsoir la rue, bonsoir la vie, bonsoir Tracy.
Comme à Cosne, résonne dans ma rue le « tu tut tut » de la voiturette du boulanger. Je ne l’entends pas tous les jours, je suis souvent partie travailler, uniquement le week-end, et ne lui prenant pas de son pain, je râle aussi. Je râle contre ce « tut tut » insistant, trop dérangeant pour la quiétude d’un dimanche matin, m’empêchant d’entendre les mésanges devant mon café fumant, allez…..je râle en silence, le pain c’est la vie.
D’autres, plus courageux que moi s’aventurent dehors au saut du lit, et je n’ai rien contre cela, mais dans ce matin blanchâtre de brouillard, ils ne sont pas nombreux. Alors elle s’énerve la dame du pain et « tut tut » de plus belle…Ah, voici quelques amateurs pour calmer son impatience, et la voilà repartie entrain de « tututer » plus loin, vers d’autres vies.
Vous autres les gens du ’’Haut’’ et les riverains proches, vous gardez amoureusement les sons des cloches, ils ne descendent pas jusqu’à nous autres, gens du ‘’Bas’’, à mon grand regret d’ailleurs. Ils ne nous indiquent pas les heures, à croire que le temps en bas, ne passe pas, et pourtant…….Tout au plus les jours de bonheur, de mariage, un tintement nous parvient, et aussi les jours de fatalité, de vie qui s’en va,….alors sonne le glas.
Quant à voir l’église, c’est impossible. Elle reste cachée, secrète, derrière des rideaux d’arbres, et j’avoue humblement qu’il m’est arrivé d’envier la vue magnifique qu’elle offre aux habitants de Cosne au gré de ses saisons. Je sais qu’elle est là dressée, belle, malgré le temps qui passe, qui la ronge et l’émiette jour après jour.
L’automne est arrivé, grandiose, flamboyant, Tracy s’est habillé de ses haillons d’or et d’argent, la forêt s’est parée de tous ses feux, richesses des couleurs. Les feuilles tombent déjà, formant des tapis de lumière, invitant à l’évasion, à la marche et au silence…..le soleil tombe de sommeil derrière les arbres, alors
Chut……
Françoise Tételin